La route de la soie

Écrit par Yingjuan YAO

La Route de la soie était un réseau de routes commerciales entre l'Asie et l'Europe allant de Chang'an (actuelle Xian) en Chine jusqu'à Antioche, en Syrie médiévale. Elle doit son nom à la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie, dont seuls les Chinois connaissaient le secret de fabrication. Cette dénomination, forgée au XIXe siècle, est due au géographe allemand Ferdinand von Richthofen.

Histoire

Pour l'histoire de la route de la soie, il y a trois personnages importants.

la princesse Xi Ling Shi

Vers l'an 2700 avant J-C, la princesse chinoise Xi Ling Shi, épouse de l'empereur Huang-di, aurait par hasard découvert la première ce précieux fil d'un cocon sauvage tombé d'un mûrier. L'impératrice découvrit que les petits vers blancs mangeaient les feuilles de mûriers et filaient de brillants cocons. En jouant avec l'un d'eux, tombé par hasard dans son thé, elle sortit un fil délicat. Très vite elle s'aperçut que ce fragile filament pouvait être dévidé et assemblé. Elle avait découvert la soie. L'impératrice convainquit son époux de lui offrir un verger de mûriers pour élever des vers à soie. La soie servit alors très rapidement de monnaie d'échange ou de récompense. Les paysans furent contraints de cultiver des mûriers sur une partie de leurs terres et de payer les taxes en pièces de soie.

Une autre princesse chinoise

Pendant trente siècles, les Chinois gardèrent farouchement leur secret et le monopole lucratif de la production et du commerce de la soie. Les décrets impériaux punissaient de mort quiconque essayait de le transgresser. La fin du secret de la soie est due à une autre princesse chinoise qui, en 420 av.J-C, épousant un prince de Khotan, apprit de celui-ci qu'il n'y avait pas de vers à soie dans son pays. Ne pouvant renoncer à ses habits de soie, la princesse décida de frauder les édits impériaux. Elle cacha, le jour de son départ, des œufs de bombyx et des graines de mûriers dans sa coiffure. Les gardes-frontières n'osèrent pas la fouiller. Les œufs éclorent, les graines germèrent et donnèrent naissance à une industrie de la soie dans ce pays. La princesse apprit aux femmes de Khotan les secrets de l'élevage et de la fabrication du fil et des étoffes, et c'est ainsi que le ver à soie partit de ce pays à la conquête d'autres contrées. Dès l'Antiquité, les Chinois exportèrent la soie, par terre et par mer. Ces routes ont une histoire aussi ancienne que la vie du ver à soie.

Zhang Qian

Un siècle avant la naissance du Christ, un jeune et audacieux Chinois du nom de Zhang Qian fut chargé d'une mission secrète et traversa la Chine jusqu'aux régions alors lointaines et mystérieuses de l'Ouest. Ce fut l'un des plus importants voyages de l'histoire, car il donna naissance à la Route de la soie. La soie fut acheminée par cette route, de la Chine vers le Moyen-Orient et l'Occident, par voies maritime et terrestre.

Trajet

routesoieLes Romains devinrent de grands amateurs de soie après qu'ils en eurent acquis, vers le début de l'ère chrétienne, des Parthes : ceux-ci en organisèrent alors le commerce. De nombreux autres produits voyageaient sur les mêmes routes : pierres et métaux précieux, étoffes de laine ou de lin, ambre, ivoire, laque, épices, verre, corail, etc. Les convois de caravanes partaient de Xi'an, Lanzhou ou Xining et empruntaient le corridor du Gansu puis contournaient par le nord ou le sud le désert du Taklamakan, qui est l'un des plus arides du monde. Ces deux branches principales possédaient différentes variantes, et étaient jalonnées de villes et caravansérails dont les noms et l'importance variaient au fil des temps. Mais toutes ces pistes reliaient entre elles des oasis situées à la périphérie du désert et au pied des hautes montagnes des Tian Shan ou des Kunlun :

À partir de Kashgar et Yarkand, les pistes rejoignaient la Perse ou l'Inde à travers les hautes montagnes de l'Asie centrale (Pamir, Hind?-K?sh et Karakoram), puis par la Sogdiane (Samarcande, Boukhara, Merv), la Bactriane (Balkh) ou le Cachemire (Srinagar). En fait, très rares étaient ceux qui parcoururent l'intégralité du trajet. Marco Polo, son père et son oncle furent de ceux-ci.

Histoire

Les marchandises venues d'Orient ou d'Occident s'échangeaient dans les oasis, devenues d'importants comptoirs fréquentés par, outre les commerçants, des pèlerins, des soldats et des espions. Cette région du « Turkestan chinois » était sous la souveraineté théorique de l'empereur de Chine, mais cette domination subissait de fréquentes éclipses dues à son grand éloignement et à la difficulté d'y maintenir des garnisons suffisantes.

La longueur du parcours, les multiples dangers encourus par les voyageurs sur ces pistes soumises aux incursions de peuples belliqueux, aux attaques des brigands, et à l'extrême rigueur du climat (torride en été et glacial en hiver), rendaient très chers les produits qui transitaient ainsi entre le bassin méditerranéen et l'Extrême-Orient. Ce fut une des raisons qui incita les Européens à rechercher une route maritime vers les pays d'Orient. La Route de la soie fut progressivement abandonnée au XVe siècle. De plus la fabrication de la soie s'était peu à peu développée en Europe, de sorte que les soies chinoises intéressaient moins les Européens.

Elle fut également la voie par laquelle plusieurs religions étrangères pénétrèrent en Chine : bouddhisme, christianisme nestorien, judaïsme, manichéisme et islam se transportèrent au travers de ces régions jusqu'à Xi'an. L'art bouddhique, influencé par l'art grec qui était parvenu jusque dans la vallée de l'Indus à la suite des conquêtes d'Alexandre le Grand, laissa dans de nombreux sites abandonnés plus tard et ensevelis sous les sables du désert, des vestiges redécouverts à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, et qui témoignent des influences culturelles véhiculées au Moyen Âge. Cette région vit ainsi une synthèse unique des influences indiennes, persanes, occidentales et chinoises art dit « sérindien ».

Entre 1860 et 1925, cette région fut explorée et souvent pillée par des explorateurs et des savants occidentaux au profit des musées de Londres, Berlin, Paris ou Saint-Pétersbourg. L'apogée de la Route de la soie correspond à l'époque de l'Empire byzantin à l'ouest et à celle qui va des Trois royaumes à la dynastie Yuan dans la zone chinoise à l'est. En plus de la route continentale, les historiens parlent aussi du « trajet de la porcelaine » ou du « trajet de la soie » à travers l'Océan indien. La route continentale diverge entre une route du nord et une route du sud. Elle est un sujet intéressant pour ceux qui veulent observer un phénomène précoce d'intégration politique et culturelle, causé par le commerce international. Elle maintenait une culture internationale qui liait ensemble des peuples aussi divers que les Turcs, les Tokhariens, les Sogdiens, les Perses, les Byzantins et les Chinois. Elle avait un fort impact d'intégration dans les régions qu'elle traversait sur les tribus qui vivaient auparavant isolées. Ces peuples étaient attirés par les richesses et les opportunités qui se présentaient à eux et devenaient maraudeurs ou mercenaires. Beaucoup de leurs membres devinrent ainsi des guerriers redoutables, capables de conquérir des cités riches, des terres fertiles et de forger des empires.

Elle a suscité le rassemblement d'États militaires fondés par des nomades de Chine du Nord, amené le nestorianisme, le manichéisme, le bouddhisme et l'islam en Asie centrale et en Chine, provoque le puissant empire des Turcs Khazars. À la fin de sa gloire, elle contribue encore à l'établissement du plus grand empire continental de tous les temps : l'Empire des Mongols, avec ses centres politiques répartis sur toute la route (Pékin en Chine du Nord, Karakorum en Mongolie orientale, Samarkand en Transoxiane, Tabriz à l'ouest de l'Iran, Astrakhan sur la Volga, Bahçesaray en Crimée, Kazan en Russie centrale, Erzurum en Anatolie orientale). Cet empire réussit à unifier ces zones auparavant liées par intermittence par des rapports commerciaux. Cependant, l'unité politique de cette région ne survit pas à la chute de l'Empire mongol. La culture et l'économie de la région en souffrent également. Les seigneurs turcs prirent l'extrémité ouest de la route à l'Empire byzantin décadent et posèrent les fondations de ce qui allaient être plus tard l'Empire ottoman.

Actualité

Les nations que traversait la route de la soie ayant récemment acquis leur indépendance, rouvrent leurs frontières et établissent à nouveau des liens directs avec l'Orient et l'Occident. De nos jours, les personnes franchissent librement cette frontière, jadis imprenable, entre la Turquie et le Caucase, deux pays autrefois membres de pactes militaires rivaux. À l'autre extrémité de la route de la soie, la Chine a ouvert un chemin de fer reliant sa province occidentale du Xinjiang à l'Asie centrale, par le Kazakhstan. Après une rupture d'environ cinq siècles, il est à nouveau possible d'emprunter d'un bout à l'autre l'ancienne route de la soie.