Transport maritime: les règles de Rotterdam

Écrit par A.Villefayaud et E.Rodet

 Après La Haye, Hambourg, une nouvelle ère commence … celle de Rotterdam

Aujourd’hui encore, La plupart des transports maritimes sont régis par une convention signée en 1924 à Bruxelles, amendée en 1968 et en 1979, appelée :
Règles de la Haye -- Hague Visby Rules

Les règles de La Haye représentent la première tentative menée par la Communauté internationale pour s'entendre sur des règles uniformes afin de résoudre le problème posé par les armateurs qui veulent échapper à leurs responsabilités en cas de perte ou de dommages subis par la marchandise.
Les règles de La Haye constituent la base des législations nationales dans pratiquement toutes les grandes nations commerçantes du monde et s'appliquent sans doute à plus de 90 % du commerce mondial.


Dans les années 1970 le réexamen des régimes de responsabilité applicables au transport de marchandises par voie maritime était demandé par la plupart des nations concernées. Certains pays, en particulier les pays en développement, étaient d'avis que les règles de La Haye avaient été élaborées en 1924 par des "nations coloniales", essentiellement au profit de leurs intérêts maritimes et qu'il fallait corriger le déséquilibre constaté entre les armateurs et les chargeurs. Ces efforts ont abouti à la négociation en 1978 de la - Convention des Nations Unies sur transport des marchandises par mer dites « Règles de Hambourg » adoptée le 31 mars 1978, à Hambourg. Elle est entrée en vigueur le 1er novembre 1992.

Au lieu de se contenter d'amender les règles de La Haye, les négociateurs des Règles de Hambourg ont adopté une nouvelle approche à l'égard de la responsabilité pour les marchandises. Les Règles de Hambourg stipulent que c'est le transporteur qui est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages subis pendant que les marchandises étaient sous sa garde à moins qu'il ne puisse prouver que toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter les pertes ou les dommages avaient bien été prises. La responsabilité du transporteur est étendue pour tenir compte des différentes catégories de marchandises désormais transportées, des nouvelles technologies et méthodes de chargement et d'autres problèmes pratiques rencontrés par les chargeurs comme les pertes découlant  des retards de livraison.

Aucune des grandes nations commerçantes n'a souscrit aux Règles de Hambourg dont les dispositions n'ont par ailleurs guère été reprises dans les législations nationales, ce qui montre que, de l'avis général, les rédacteurs de ces règles ont été trop loin dans leur volonté de corriger le déséquilibre instauré par les Règles de La Haye en faveur des armateurs.
 

Les Règles de Hambourg s'appliquent donc actuellement à moins de 5 % du commerce.
 

Une nouvelle convention des Nations Unies va s’appliquer prochainement pour orchestrer les contrats de transports elle s’appellera :

Règles de Rotterdam -- the Rotterdam Rules

L’assemblée générale des Nations Unies a récemment adopté la dernière convention internationale concernant les pertes et dégâts causés lors de transports maritimes. Cette convention va devoir sanctionner tous les contrats relatifs au transport de marchandises entièrement ou partiellement maritime. Cette convention élaborée par le comité Maritime international –CMI- sous l’égide de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International - CNUDCI –UNCITRAL- doit maintenant être adoptée par chaque pays, pour remplacer les règles de la Haye toujours en vigueur à travers le monde.

Le projet des règles dit de Rotterdam a été examiné par un comite juridique international des Nations Unies le 20 octobre 2008. La version définitive du projet de convention a été arrêtée lors de la 21° session du groupe de travail III (droit des transports) de la CNUDCI à Vienne le 25 janvier 2009.

 
La cérémonie pour la signature est attendue pour le 23 Septembre 2009 à Rotterdam. La Convention entrera en vigueur après la vingtième ratification.


COMMENTAIRES
Avec cette signature, on peut vraiment parler de date historique dans les grandes étapes des conventions internationales relatives au droit maritime. Les USA qui aujourd’hui ne reconnaissent que les règles de La Haye qui sont codifiées dans leur COGSA (transport de marchandises selon la règlementation maritime) ont joué un rôle prépondérant dans l’élaboration de ces nouvelles règles. De nombreux juristes du State Department et du secrétariat d’Etat au transport ont activement participé aux débats  ainsi que des groupes du privé et la puissante Ligue Nationale des Transporteurs Industriels (NITL).

Pour l’US - NITL (Un lobby créé en 1907 pour représenter et défendre les intérêts des transporteurs américains), cette nouvelle convention est bien supérieure à l’actuelle règlementation COGSA qui est basée sur les règles de la Haye de 1924. Selon elle, le nouveau document va moderniser et améliorer grandement les chartes et conventions existantes (Hague-Visby et Hambourg) sur les responsabilités des cargos transporteurs.
 

Comme pour les anciennes conventions maritimes, le "package limitations" (a savoir les limites sur les compensations et récupérations d’argent après incidents) est lié à l’unité de valeur SDR (Special Drawing Rights), DTS en Français, du Fond Monétaire International (FMI) à la différence notable que ces limites sont beaucoup plus importantes qu’avant.

De très longues négociations et tractations ont eu lieu entre les pays qui cherchaient à garder les limites du package de la convention de La Haye-Visby et les pays cherchant au contraire à les augmenter. Un accord a été trouvé finalement quand il a été décidé de lier ces limites à l’acceptation des contrats de volume qui aujourd’hui contrôlent largement les termes et conditions du fret maritime mondial.

Un des éléments déterminants sur l’utilisation des contrats de volume (dans le cadre de cette nouvelle convention) est la capacité pour les contractants à pouvoir déroger à la convention.

Alors que des limites élevées peuvent entrer en considération pour des parties ayant contractées sous le système COGSA et autres régimes, les contrats de service ne sont pas autorisés à fixer des limites sous le seuil minimum établi. A l’opposé sous le système du nouveau texte, les contractants pourront se soustraire à certains droits, obligations et responsabilités imposés par la convention (sous réserve de certaines conditions).

L’US-NTIL pense que ces dispositions permettront aux transporteurs et expéditeurs de réaliser des contrats sur mesure pour atteindre leurs objectifs commerciaux.

Certains observateurs et spécialistes du monde du "shipping" prétendent que ces grandes libertés dans le contrat peuvent pénaliser les petits et moyens transporteurs, mais l’opinion générale est que de nombreux garde-fous ont été inclus dans la convention pour éviter ces situations.
Ces conditions indiquent que de telles dérogations par rapport aux termes de la convention peuvent apparaitre seulement lorsque :

L’US-NITL supporte de tout son poids cette convention, et même si quelques voix discordantes ont été entendus ici et là, la convention de Rotterdam est pourtant bien le reflet de la pratique actuelle des affaires maritimes.
 
L’application des règles de Rotterdam va également être étendue à toutes les parties ayant une activité avec le fret maritime ce qui inclut les terminaux à containers et tout autre type de port (vrac…). Ces parties auront les mêmes obligations, devoirs et niveaux de responsabilités que les transporteurs (mais aussi bénéficieront des mêmes droits). Les transporteurs terrestres seront affectés eux aussi par cette directive s’ils opèrent exclusivement dans les zones portuaires.

Cet élément est important à souligner car il faut savoir que jusqu’ à aujourd'hui les terminaux maritimes ne sont sujets à aucune convention internationale obligatoire, ce qui leur permet de limiter leurs responsabilités (sur la base des termes de la lettre de transport) à moins de 875 SDR (Special Drawing Rights) par paquet ou 3 SDR par Kg.

On peut légitimement penser que cette application de la convention sur les ports va entraver la liberté de certains opérateurs de terminaux maritimes. Mais il y a aussi du bon, en effet dans certaines juridictions les opérateurs ne peuvent pas bénéficier des avantages des contrats de transport ou même de lois limitant ou annulant leurs responsabilités. A l’arrivée il est fort à parier que la position des opérateurs sera favorable à la convention.

l’ESC (le Conseil des Transporteurs Européens) a émis des propositions écrites officielles à la commission chargée d'élaborer la convention. Sa position est la suivante :
Cette nouvelle convention de transport maritime est une avancée par rapport aux anciennes conventions car elle prend en compte les avancées technologiques (internet par exemple), ce qui correspond à la pratique actuelle de l’univers du transport maritime mondial, mais il reste des zones d’ombres …

Pour l’ESC, les règles de Rotterdam ont de nombreux aspects plus néfastes que les règles de la Haye. Elles risquent de mettre en péril la position de nombreux transporteurs en les mettant en face de responsabilités ingérables. Cette situation est la résultante de la réduction des libertés de contrat par rapport aux conventions actuelles (Hague-Visby et Hamburg Rules). De plus ces nouvelles règles ajoutent de nouveaux devoirs et obligations supplémentaires auprès des  chargeurs.

 
BON VENT AUX REGLES DE ROTTERDAM
©RCI-2009-A.Villefayaud - E.Rodet
 
TEXTES DES REGLES :
Règles de Rotterdam : (en téléchargement sur le site)  CUNDCI- UNCITRAL  

Règles de La Haye. Convention internationale pour l'unification de certaines règles de droit relatives aux connaissements.
Protocole de signature: (en téléchargement sur notre site)  version française     version anglaise